Au delà d’une danse, une célébration de soi
- Zoé Aireh
- 14 janv. 2019
- 3 min de lecture

REPORTAGE /
La nuit tombe et le Voguing prend les rênes de la capitale…
De grands blacks à talons côtoient des hipsters à lunettes, tout le monde attend l’ouverture du ball, des talons claquent au sol, de longues perruques habillent des hommes et on ressent une pression comme un soir de compétition. Dès l’entrée une explosion de couleur et de sourire donne envie d’ôter son manteau et de dégainer sa tenue la plus excentrique. Les participants arrivent petit à petit, en même temps que le public qui se presse pour être devant la scène en attendant que la compétition commence…
Les festivités démarrent lorsque le MC prend le micro sur les beats de la musique. Très vite, le public se regroupe autour du parterre de danse. Dans chaque des catégories, les vogueurs prennent place sur le dancefloor, seul ou à deux, et exécutent leur danse sur de la house.
Le voguing prend racine dans les années 70 dans le centre de Harlem, dans les clubs fréquentés par des homosexuels latino-américains et afro-américains. C’est depuis, un moyen de combattre le racisme et de se donner un espace de résilience pour affronter l’adversité à l’extérieur contre l’homophobie.
Aujourd’hui le voguing se retrouve partout, à la télévision, en série, en documentaire et même sur le perron de l’Elysée avec le DJ Kiddy Smile, proclamé nouveau prince de cette scène underground.
Le Voguing existe pour tout ce que les précurseurs de ce style de danse ne sont pas : blanc, mannequin et riche. Ils trouvent des houses qui sont organisées comme des familles de substitutions. Pour les personnes, qui auraient été coupées d’une cellule familiale en essayant d’assumer qui ils étaient, c’est le moyen de pouvoir se constituer soi-même une famille de choix et de coeur. Le father apporte les connaissances au groupe, la mother est un soutien pour la house. Pour Nicholas qui fait partie de l’emblématique House of Revlon, son father a été un de ses plus grands piliers « c’est lui qui m’a introduit dans le voguing et si aujourd’hui je le tiens bien, c’est grâce à lui, il m’a appris beaucoup de choses, par rapport à mon coming-out vis-à-vis de mes parents par exemple, ou dans ma relation de couple, c’est mon papa gay. »
Vinii Revlon, le father de cette même house, décrit cette pratique comme étant plus qu’une danse, mais un refuge pour ceux qui ont besoin d’être libre.
Jackson, danseur de la House of Revlon, s’est découvert à travers ses propres a priori de départ. Il aimerait que cette danse émancipatrice ne fasse plus autant polémique :
« J’étais un garçon de cité, qui vendait du shit, j’étais en jogging toute la journée. Je n’aurais jamais pensé avoir pour petit-ami un garçon, mais lorsque j’ai fait la connaissance des personnes de cette house, participé à une ball j’étais épanoui, j’ai tout de suite compris que c’était mon monde. ». Pour Gregory, le jeune danseur de la house cette danse représente un besoin : pour respirer, expulser nos angoisses, nos peurs, et libérer qui nous sommes, « j’ai absolument voulu faire partie de cette culture. ». Le sol tremble sous les talons hauts et les spins et dis*, le public gronde d’applaudissement et d’encouragement au rythme de la musique et du catwalk** pour faire vivre cette ambiance de soirées gay parisienne. L’atmosphère prend un goût de fièvre du samedi soir, où liberté de soi est au rendez-vous, le but étant d’être soi-même sans jugement et de se lâcher en défendant des valeurs, une manière de vivre et de s’inventer. Nicholas confie que c’est les mélange qui marque cette danse « de couleurs, de catégories, de travestissement, d’attitude, entre le sexy et le féminisme, de genre de personnes.»
*pirouette, et se jeter au sol en arrière avec une jambe repliée ** passerelle, un défilé de mode
Leggings dorés, dentelles et résilles, maquillages prononcés. Ici, les mains se lèvent, les corps s’étirent et tombent pour mieux se relever. Une démarche chaloupée et énergique inspirée de poses des magazines. Et les identités se troublent, entre séduction, diversité et créativité, pour mieux se révéler. Lorsque le soleil se lève, les danseurs font tomber le masque, et retournent à leur train-train de vie quotidienne... « Depuis que je suis rentré dans une ballroom j’ai su me libérer, auprès de ma famille, de mes amis, ça n’a été que du positif dans ma vie quotidienne. » confie Gregory.
Zoé R.
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